Le carbone, avenir du silicium ?LE MONDE | 05.07.08 | 17h59 • Mis à jour le 05.07.08 | 17h59Tandis que les exobiologistes s'interrogent sur la possibilité de découvrir une vie extraterrestre fondée sur le silicium et non sur le carbone, les électroniciens envisagent le chemin inverse. Pour Igor Lukyanchuk, professeur au département de physique de l'université de Picardie (Amiens), la puissance des ordinateurs pourrait être multipliée par 1 000 grâce au remplacement du silicium par le graphite - une forme cristalline du carbone - pour la fabrication des puces. De quoi améliorer la traduction vocale simultanée ou la compression d'images, par des méthodes plus efficaces mais grandes consommatrices de puissance de calcul.
En 2004, Igor Lukyanchuk, associé au physicien Yakov Kopelevich (Sao Paulo, Brésil), découvre une propriété remarquable : dans le graphite très pur, certains électrons se comportent comme des photons. Il en résulte un phénomène proche de la supraconductivité, cette propriété qu'ont certains matériaux à perdre toute résistance au passage du courant électrique à la température de l'azote liquide (- 196o C). Or, dans le graphite, cette aptitude existe à température ambiante. De quoi le transformer en concurrent du cuivre pour les câbles et autres connexions électriques.
En 2005, une autre découverte ouvre de nouvelles perspectives. Les équipes d'André Geim (université de Manchester) et de Philip Kim (université de Columbia) parviennent à isoler des monocouches de graphite - des feuillets appelés graphène. Un matériau ne possédant que deux dimensions (longueur et largeur), dont l'épaisseur est celle des atomes de graphite, soit quelques angströms (10-10m).
La physique descend ainsi en dessous de l'échelle du nanomètre (10-9m), ouvrant la voie à une toute nouvelle électronique, dans laquelle le carbone pourrait prendre le relais du silicium. L'agence de recherche militaire américaine (Darpa) ne s'y est pas trompée, qui a amorcé un programme de recherche baptisé CERA (Carbon Electronics for RF Application). Avec pour objectif l'obtention d'un film de graphène de 50 mm par 50 mm.
André Geim, lui, a franchi une autre étape , en fabriquant le premier transistor en graphène. Le composant de base des puces électroniques de l'ère du graphite ? Les fabricants de microprocesseurs en silicium, Intel et IBM en tête, sont en tout cas sur le pont. Et Igor Lukyanchuk se réjouit de cette effervescence, qui donne à sa découverte toutes les chances de participer à une véritable révolution.
Michel Alberganti
Le Monde